MODÈNE VIA CANALETTO
A pour Arabe… et pour Amitié
Ils transmettent leurs papiers précieux, dans des enveloppes ou des boites en carton, à des personnes de confiance qui ne sont pas des étrangers distants puisqu’elles parlent leur langue. Au bureau de poste de la via Canaletto de Modène, le bouton A signifie « arabe » et redirige le client vers le guichet où Houssam, Palma et Amaranta travaillent. Ils ne sont que trois des seize employés du bureau de poste ayant été sélectionnés pour faciliter la communication avec les étrangers et surmonter les barrières linguistiques dans ces secteurs où l’administration italienne demande rapidité et précision.
Derrière la gare de Modène, de l’autre côté des rails, on trouve un vibrant melting-pot avec des communautés issues du Ghana et de divers pays arabes. Comme le décrit Paola Camellini, la responsable de cette branche cinquantenaire, c’est devenu un point de repère et un exemple de régénération urbaine : « Ce n’est pas une coïncidence si notre projet pluriethnique a été implanté à cet endroit. Non loin d’ici, il y a une structure de logement pour les réfugiés et, pour beaucoup d’entre nous, ce lieu représente une zone saine pour repartir de zéro. Chaque jour, nous aidons nos clients avec les inscriptions pour des permis de résidence permanente, des demandes pour des cartes prépayées, l’assurance-chômage et les transferts d’argent. Nos jeunes employés talentueux qui parlent arabe, anglais et français sont avec nous depuis le lancement du Sportello Amico, et capables de gagner la confiance de nos clients. Je me rappelle encore ce jour où un migrant libyen sauvé lors de la mission ‘Mare Nostrum’ est arrivé chez nous avec une robe jaune typique de son pays et l’a offerte à un de nos employés pour le remercier de l’avoir aidé avec ses tout premiers papiers administratifs lorsqu’il a dû ouvrir un compte épargne ».
Joseph confirme l’aspect pratique des services multilingues : “je vis juste sous le bureau. D’ici, je peux envoyer de l’argent à ma famille en Afrique, où vivent mes deux enfants. » Son tour arrive et il se dirige vers Amaranta, avec qui il peut parler anglais. Au même moment, les portes pivotantes laissent passer trois bengalis qui habitent en Italie depuis un mois. Sahid, le moins timide, prend un selfie dans la salle d’attente et le partage avec ses amis du monde entier pour montrer sa nouvelle vie en Italie : « Je n’ai pas de frères, pas de famille : je suis venu parce que des gens m’ont dit que je pourrais trouver le bonheur dans ce pays. C’est la première fois que je discute avec quelqu’un aujourd’hui, parce que c’est compliqué de rencontrer des gens qui parlent anglais ». Les deux autres observent sans comprendre la majorité de la conversation, souriant par moments et cachant leur peur de devoir lire, écrire et signer des documents mystérieux. Palma vient à leur secours depuis l’autre côté de la vitre : « Aucun problème. Nous allons prendre soin d’eux ».